Balade en forêt – épisode 1 – Tou·te·s abonné·e·s

par Étienne Tellant

Mon abonnement à la forêt de la Coubre arrivait à expiration et je ne souhaitais pas le renouveler. En 2022, j’avais vigoureusement contesté cette mesure. J’affichais à l’époque un fier sticker NON À LA PRIVATISATION DE LA FORÊT DOMANIALE DE LA COUBRE sur le pare-choc arrière de ma bagnole. Et puis la mesure était passée, malgré mon sticker et les commentaires des détracteurs sur les réseaux. L’argument principal tenait sa logique : il fallait concéder les forêts de France. Car en rentabilisant les forêts domaniales pour d’autres activités que la chasse, la pêche, et la vente de bois, c’est à dire si l’on commençait à faire payer les cyclistes, les promeneurs, les randonneurs, les cueilleurs de champignons etc. alors le business serait assez fiable pour trouver des acquéreurs dont la mission consisterait dès lors à protéger ces sites naturels. Si les forêts devaient être mal entretenues, les propriétaires recevraient des pénalités. De leur côté, les sociétés concessionnaires ont eu le champs libre pour aménager les forêts en parcs payants. Le rôle de l’ONF fut réduit à une mission de contrôle, et l’État, qui s’était avoué dépassé par l’ampleur des travaux à mener, réalisa une économie de quelques centaines de millions d’euros. Assez vite, cette économie avait été de nouveau dépensée, par le biais de l’Éducation nationale, puisqu’on n’avait jamais autant organisé de classes vertes que depuis que les domaines étaient devenus payants. Les sociétés concessionnaires avaient élaboré de grandes campagnes de lobbying pour inciter les écoles à renforcer l’esprit écologique des enfants par une balade mensuelle en forêt, moyennant le tarif en vigueur, naturellement.

Je n’avais aucune envie d’encourager cela en payant un abonnement, même si c’était l’affaire de quelques dizaines d’euros par mois. J’étais parfaitement accablé de constater que les sociétés concessionnaires étaient aujourd’hui les mêmes qui avaient été à l’origine de la crise forestière de ces dernières décennies. Je m’étais donc résolu à ne plus aller en forêt, jusqu’à ce que mes enfants se mettent en tête de m’offrir un pass annuel pour deux ans, convaincus par la presse que les promenades au milieu des bois diminuaient le risque de dépression chez les retraités.

J’ai fini par m’y résoudre et, une après-midi d’octobre, je me suis rendu dans la forêt de la Coubre. Devant l’entrée « Soleil Palmyre », l’une des dix entrées du domaine de huit hectares, un portillon automatique, comme on en trouve dans les aéroports, a détecté mes clés, mon téléphone portable et mon briquet. Les vigiles qui complétaient le dispositif sécuritaire se sont avancés pour me rappeler les règles : Pas de briquets – pour les incendies. Pas de clés – pour pas graver dans les arbres. Pas de téléphone – pour votre santé. Vous les laissez à la consigne. J’ai obtempéré puis je suis arrivé au guichet : 3€ pour une heure ; 5€ pour deux heures ; 9€ la demi-journée ; 15€ la journée. Tarif nocturne : +2€. Vous restez combien de temps ? J’ai un pass. Allez-y, bonne balade.

à suivre

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